Un praticien exerçant hors convention peut-il faire l’objet d’un contrôle d’activité de la part de la sécurité sociale ?
A première vue, la question est farfelue.
Notre expérience nous montre que cela arrive. Voyons comment.
Les actes exécutés par un hors convention peuvent faire l’objet d’une prise en charge :
tarif d’autorité pour les actes NGAP (consultations, ODF …)
La lettre-clef C est valorisée à hauteur de 0,40€ à Paris pour les patients des hors convention.
16 % pour les actes CCAM pris en charge (ou 70% de 16% pour certaines caisses)
Droit commun pour les prescriptions.
S’il y a prise en charge, il peut y avoir indu. Et donc, contrôle d’activité pour objectiver cet indu.
Bien entendu, être hors convention ne signifie pas qu’on ne peut pas avoir de comptes à rendre :
En responsabilité civile professionnelle, puisque nous savons que les indications les mieux posées, les actes réalisés avec le maximum de précision et de prudence peuvent mal tourner.
Une bonne assurance RCP est donc indispensable, en plus d’être obligatoire.
Il y a bien entendu les explications données sur les diagnostics, soins, honoraires… . Être sincère avec son patient est la condition de relations harmonieuses.
Pour les actes réalisés personnellement par le praticien hors convention, il y a comme une immunité apparente.
Pour commencer, peu de praticiens hors convention télétransmettent.
Beaucoup de feuilles de soins papier ne parviennent pas à la sécurité sociale : compte tenu de la modestie des remboursements, qui ne couvent même pas le tarif de l’affranchissement, les patients négligent cette formalité. Ce qui ne les empêche pas de tenir soigneusement à jour leur dossier santé : ils archivent les résultats d’analyses, les prescriptions, les devis, les comptes-rendus opératoires… .
Comment voulez-vous que la sécurité sociale demande des comptes sur des actes qu’elle ignore ?
Les patients bénéficiant, souvent à titre professionnel, d’une complémentaire « frais réels » et qui consultent hors convention pour bénéficier de la qualité de soins à laquelle leur prise en charge leur permet de prétendre, font l’effort de s’occuper de leurs feuilles de soins ; à vous, praticiens hors convention, de faire l’effort de leur remettre devis, feuilles de soins, note d’honoraires… . Cependant, même dans ce cadre, les litiges sont exceptionnels.
Lorsque le praticien traitant hors convention adresse le patient à un correspondant (endo exclusif, chirurgien, orthodontiste…) soit ce dernier est hors convention, soit il est conventionné. Dans les deux cas, c’est la situation du correspondant vis-à-vis de la convention qui régit la résolution des litiges avec la sécurité sociale.
Médicaments, ordonnances exécutées en officine.
Examens de laboratoire, par exemple INR.
Radiographies
Convention ou pas, les modalités de prise en charge ressortent du principe juridique selon lequel le principal emporte l’accessoire. Concrètement, cela signifie que, si l’acte principal est pris en charge, les actes annexes le sont aussi, même si cet acte principal, étant exécuté par un hors convention, est pris en charge de façon symbolique.
Et, en l’occurrence, c’est vous, le prescripteur, qui êtes responsable d’un acte que vous n’avez pas personnellement pratiqué.
Pour clarifier les choses, prenons un exemple concret : un patient se présente avec des douleurs localisées sur une dent dépulpée. Le diagnostic différentiel est le suivant : soit la dent présente une fracture, soit l’obturation canalaire n’est pas étanche.
Le traitement sera différent. Pour la fracture, ce sera extraction, prise en charge, suivie ou non d’une pose d’implant, non prise en charge. Pour le manque d’étanchéité endodontique, ce sera la reprise de traitement, c’est à dire la désobturation canalaire (NPC) et le traitement proprement dit (pris en charge).
Dans les 2 cas, il y a une partie NPC, l’autre partie étant prise en charge. Ce qui va poser problème, ce sont les actes annexes prescrits: radio 3D en haute résolution, éventuelle couverture antibiotique, éventuel examen sanguin de la coagulation.
Voyons la fracture radiculaire :
Vous avez prescrit un cone beam haute définition petit champ, le compte rendu du radiologue est : fracture radiculaire. Le cone beam sera pris en charge, c’est un examen de diagnostic, mais à la condition que la fracture ne soit pas diagnosticable sur la rétro-alvéolaire que vous n’avez pas manqué de prendre. Si c’était le cas, le cone beam serait requalifié « à visée implantaire » et deviendrait NPC.
L’extraction ne pose pas problème, c’est pris en charge. L’examen sanguin et les antibiotique le sont aussi s’ils sont justifiés médicalement. Et le restent pour la pose de l’implant si c’est effectué dans la même séance.
Si l’implant est posé en différé, il devient l’acte principal, qui est NPC. L’examen sanguin, et les antibiotiques, ses accessoires, le deviennent du même coup. Vous devrez alors mentionner « non pris en charge » sur la prescription.
Voyons maintenant le traitement endodontique :
L’exérèse du contenu canalaire (dont la définition pour la CCAM exclut le retrait d’un matériau d’obturation ancien) est prise en charge. C’est l’acte principal. La cone beam est à but diagnostic, puisqu’en première approche, une fracture était envisageable. Donc, il est pris en charge. Il le serait aussi éventuellement au titre de l’endodontie : morphologie atypique. La désobturation est NPC, c’est une clause CCAM. L’antibioprophylaxie est prise en charge, c’est un accessoire du traitement canalaire (à condition toujours, d’être justifiée médicalement). Nous excluons l’examen sanguin, il n’a pas lieu d’être en endodontie.
Nous avons donc vu ce qu’est le principal et ce qu’est l’accessoire.
Comment éviter le contrôle d’activité quand on exerce hors convention ?
Vous ne serez pas inquiété pour votre activité propre, non que ce soit impossible, mais il n’y a aucun intérêt pécuniaire, et partant, aucune incitation à surcoter des actes dans le cadre de l’exercice hors convention. Pas de faute, pas de sanction !
Vous pouvez être inquiété pour vos prescriptions ; en général, la faute en revient à l’exécutant (laboratoire, officine). Ce dernier, qui en général, télétransmet, inclut votre prescription dans le flux, et elle est traitée à tort comme étant prise en charge.
Mentionnez lisiblement « non pris en charge » sur vos prescriptions lorsqu’elles sorte du panier pris en charge, et archivez ces prescriptions.
Mars 2021